Douala : le calvaire des populations à la quête de l’eau

Dans des quartiers de la capitale économique du Cameroun, des habitants n’ont pas accès à l’eau potable. Ils parcourent des kilomètres pour s’approvisionner. Certains sont exposés aux maladies telles le Choléra. D’autres en meurent.

Josiane Kouagheu
Douala-Cameroun

« Ça fait plus de 5 ans que l’eau ne coule plus dans nos robinets. On se débrouille pour boire le précieux liquide». Robert Takam, habitant du quartier Cité de Billes à Douala, capitale économique du Cameroun, dit pourtant payer ses factures à la Camerounaise des eaux (Cde), chaque mois. Mais, rien n’y fait. Ses robinets demeurent toujours secs. Ce père de six enfants parcourt des kilomètres pour s’approvisionner en eau potable. « Je prends mon véhicule et je m’en vais au quartier Ndokoti m’approvisionner dans les différents forages (sortes de château d’eau, aménagé par des privés, ndlr) de cette zone. Si les forages sont secs à ce niveau, je m’en vais ailleurs et ainsi de suite», explique-t-il. Comme lui, de nombreux habitants de Douala, ont été obligés, au fil des années, de trouver des méthodes pour s’approvisionner en eau potable.

Des populations du quartier Cité de Billes à Douala puisent de l'eau dans un puits

Des populations du quartier Cité de Billes à Douala puisent de l'eau dans un puits

L’eau aux odeurs

Martine Koum habite le quartier Ndogpassi III, dans l’arrondissement de douala 3ème depuis 1987. La sexagénaire explique qu’elle n’a jamais entendu parler de la Camwater. Avant cette société, il y a pourtant eu la Société Camerounaise des eaux du Cameroun (Snec). Martine jure qu’elle n’a jamais entendu parler de la Snec non plus. Dans les années 1990, Martine puisait de l’eau dans les puits. « Je désinfectais ensuite avec l’eau de javel, se souvient-elle. Maintenant, je m’approvisionne dans les forages ». Martine Koum reconnaît que cette eau n’est pas toujours de bonne qualité. « Elle est souvent salée. Elle a parfois des odeurs. Mais, on n’a pas de choix. Il n’y a plus de solutions », dit-elle en haussant les épaules, l’air résignée.

A quelques kilomètres de là au quartier Brazzaville, Gilbert, un mécanicien installé dans le quartier depuis 14 ans a trouvé une astuce pour ne pas manquer de l’eau, cette « denrée rare ». Il a acheté des récipients de 50 et 100 mètres. « J’en ai trois. Chaque vendredi soir, je paie des conducteurs de porte-tout (communément appelés pousse-pousse, ndlr) qui vont me chercher de l’eau. Ainsi, ma femme et mes deux enfants ne souffrent pas durant la semaine. C’est beaucoup de dépenses et jusque là, nous ne sommes pas toujours surs de la qualité de cette eau », avoue-t-il, un brin lassé. Même son de cloche chez Mireille Soukeng, habitante du même quartier. La jeune femme âgée de 32 ans explique qu’elle paie de l’eau minérale quand elle le peut. « Aucune des eaux que nous vendons n’est de bonne qualité. Je préfère payer de l’eau minérale pour boire. C’est cher, mais au moins, je suis sur d’être à l’abri des maladies comme le choléra », assure-t-elle.

Choléra et microbes

Certains n’ont pas à la chance de Mireille Soukeng. Ils sont exposés à de nombreuses maladies. « Mes enfants souffrent chaque fois de mal de ventre. Au mois de février 2014, un médecin a diagnostiqué la présence d’amibes dans leur organisme. Il m’a dit que c’était dû à la mauvaise eau que nos consommons et m’a conseillé l’eau minérale. Mais, je n’ai pas assez d’argent pour acheter cette eau, se désole un vendeur. Ma femme utilise juste des désinfectants comme l’eau de javel ». Dans la famille Mahop au quartier Nyalla, le Choléra a tué deux enfants en 2011. A l’époque, les membres de la maison s’approvisionnaient dans un puits situé non loin de leur maison. « Aujourd’hui, nous nous alimentons dans les forages. Ce qui n’empêche que nous soyons toujours victimes des maux de ventre », avoue impuissant, Pierre, chef de famille.

« L’eau c’est la vie. Pourtant nous n’y avons pas accès. Nous achetons l’eau dont on n’est même pas sure de sa qualité et de sa provenance. Je pense que les pouvoirs publics doivent prendre ce problème à cœur. Le gouvernement doit s’inquiéter du fait que l’eau manque dans nos foyers alors que nous avons une société publique de distribution d’eau », pense Jacques Njanda, président du conseil de la chefferie de Ndogpassi III. Pour résoudre ce problème, le ministre de l’Energie et de l’eau, Basile Atangana Kouna, a lancé en 2010, des travaux de réhabilitation et de renforcement des systèmes d’adduction d’eau potable dans plus de 50 centres au Cameroun. Trois années plus tard, la population attend toujours les résultats de ces travaux dans leurs robinets.

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