Douala : des milliers de personnes toujours à la belle étoile

Trois semaines après la destruction de leurs domiciles établis sur le site de la Magzi, ils sont toujours sans domicile fixe. Deux d’entre eux ont perdu la vie.

Josiane Kouagheu
Douala-Cameroun

Trois semaines déjà que la maison construite en matériaux définitifs de Martin Mbonjo a été détruite. Depuis cette date fatidique du 20 août 2014, le quinquagénaire n’a plus d’endroits où dormir. Martin dort où il « tombe ». Martin Mbonjo n’a nulle part où aller. Il nous explique qu’il a mis près de 30 ans pour construire la maison constituée de cinq chambres où il vivait avant les casses. Aujourd’hui, il se considère comme « un sans abri », un peu comme ces hommes et femmes qu’il voit souvent dans les rues. Il a envoyé ses trois enfants dans différents endroits. Sa femme aussi. «  Je ne sais pas ce que je vais devenir. Je suis déjà très vieux pour me mettre à la recherche d’un travail comme les jeunes », dit-il, le regard larmoyant.

Douala le 9 septembre 2014. Une vue du site deguerpi

Douala le 9 septembre 2014. Une vue du site deguerpi

Comme Martin, de milliers dorment toujours à la belle étoile, trois semaines après la destruction de leurs maisons établies sur le site de la Mission d’aménagement et de gestion des zones industrielles (Magzi). Près de 40 000 personnes ont été déguerpies les 20, 21  et 22 août 2014 au quartier Diboum I (bloc 4, 5 et 6 ndlr), à Douala. Christophe Kwimi en fait partie. Le jeune homme âgé de 36 ans a achevé de construire sa maison au mois de mai 2014. Trois mois plus tard, elle a été détruite. Ce jeudi 11 septembre, il rôde dans les rues d’Akwa, quartier des affaires de la capitale économique, à la recherche d’un travail, dans un chantier, dans une maison ou n’importe où. Ce débrouillard qui conduisait la moto-taxi avant les casses a dû vendre son engin pour envoyer sas deux enfants et sa femme dans son village à l’Ouest Cameroun.

Deux morts déjà
Ses enfants ne vont pas à l’école, comme ceux d’Ombassa Atchang, mère de huit enfants et grand-mère de sept petits enfants. Nous rencontrons d’ailleurs ces derniers dans la cour de leur maison en train de jouer, alors que leurs petits camarades sont à l’école. « Où est-ce que nous allons prendre de l’argent pour envoyer nos enfants à l’école ? On a cassé nos maisons. Les malfrats ont volé nos effets. C’est une vie qui recommence pour nous. Et l’avenir est sombre », confie Emmanuel Wadjié, un autre sinistré. Emmanuel s’estime d’ailleurs heureux d’être encore en vie. En effet, deux sinistrés ont perdu la vie. Le premier est a été victime d’une crise cardiaque. Il en est mort. Le second, est décédé de chagrin, abandonnant ses 11 enfants.

Selon Jean Bosco Simgba, chargé de la communication à la Magzi, ce déguerpissement se fait dans le but de mettre à la disposition des opérateurs économiques des terrains emménagés en vue de l’implantation de leurs entreprises industrielles. De leur coté, les déguerpis, réunis en collectif, ont décidé de porter plainte à la Magzi pour le non respect des ordres du chef de l’Etat. En effet, dans un message Télex du 16 janvier 1989 rédigé par le ministre de l’Administration territoriale de l’époque, Ibrahim Mbombo Njoya, sur instruction du Paul Biya, et adressé au gouverneur de la région du Littoral, dont nous avons obtenu copie, il est écrit qu’en « vue d’éviter un malaise social prévisible », le chef de l’Etat demande que le déguerpissement « souple et progressif » de la zone (blocs 4, 5 et 6 du quartier Diboum I, ndlr), soit fait en contrepartie d’un recasement. Le collectif a sollicité l’aide de l’Organisation non gouvernementale (Ong) Dynamique citoyenne pour le conseil en démarches administratives et juridiques à suivre.

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