« On a fait un lavage du cerveau de la jeune fille »

A l’occasion de la journée mondiale de la jeune fille qui se célèbre le 11 octobre, Francine Ngo Iboum, présidente de l’association Soutien aux victimes d’agressions sexuelles, nous parle de la situation de la jeune fille au Cameroun.

Josiane Kouagheu
Douala-Cameroun

Vous organisez du 9 au 11 octobre prochain, la journée de la jeune fille à Douala. Qu’en est-il exactement ?

Francine Ngo Iboum, présidente de l’association Soutien aux victimes d’agressions sexuelles

Francine Ngo Iboum, présidente de l’association Soutien aux victimes d’agressions sexuelles

L’association SAVAS dont je suis la présidente fondatrice a décidé cette année d’organiser la 3ème édition de la journée internationale de la fille en collaboration avec la délégation régionale du ministère de la Promotion de la femme et de la famille (Minproff). Cette journée dont l’existence est encore ignorée par la grande majorité des camerounais a été instaurée en 2011 par l’ONU en vue de mettre en évidence les inégalités de genre qui subsistent entre filles et garçons, et combattre les différentes formes de discrimination et d’abus dont souffrent les filles dans le monde entier. Pour la célébration de cette année, nous organisons trois jours d’activités qui iront du 09 (ce jour) au 11 Octobre à la salle des fêtes d’Akwa (Douala, ndlr). Il s’agira entre autres : d’expositions ; de prestations artistiques, de partages d’expériences, d’ateliers thématiques. « Les jeunes filles face au phénomène de violences sexuelles », « les jeunes filles face au défi de l’entreprenariat », « tradition et coutume : frein ou tremplin vers l’épanouissement de la jeune fille ? », « réseaux sociaux : éveil ou aliénation de la jeune fille ? » sont quelques-uns des thèmes qui seront développés par des experts lors de cette célébration.

Quelle est la situation actuelle de la jeune fille au Cameroun ?

Il est triste de constater que la jeune fille camerounaise souffre encore de certains problèmes sociaux liés à la tradition, aux coutumes, à la religion, à la culture et même à certains mythes. . Les filles, qu’elles soient adolescentes ou enfants, sont les membres de la société qui ont le moins de droits, au Cameroun comme partout ailleurs dans le monde. Souvent dépourvues du droit de décision, d’accès à l’éducation, à l’information et à l’expression. De plus, elles sont victimes de plusieurs tares telles que le mariage forcé, les abus sexuels, les mutilations génitales, infanticide féminin… ce qui entraine souvent des conséquences néfastes pour elles, aussi bien sur le plan psychologique que physique.

 

Dans certaines régions du Cameroun, des jeunes filles ne sont pas scolarisées. Les parents privilégient la scolarisation des jeunes garçons. Que peut-on faire pour remédier à cette situation ?

Effectivement, la sous scolarisation de la jeune fille camerounaise est un problème palpable principalement dans les trois régions septentrionales du pays et dans la région de l’Est. La première chose à faire est d’éduquer les mentalités de ces parents qui continuent de penser que la jeune fille n’a pas droit à la parole, donc il faut lui imposer un époux, l’obliger à rester au foyer pour s’occuper du mari et des enfants, à aller au champ, à déambuler dans les rues avec un panier de marchandise sur la tête… Toutefois, le problème est encore plus intense au niveau de ces jeunes filles elles-mêmes qu’on a réussi à convaincre que l’école ne leur sert à rien d’autre qu’à les abrutir encore plus et que leur place est dans les lieux cités plus haut. On en a vu qui pleuraient, se roulaient même au sol parce qu’on les a amenées dans une salle de classe, tout simplement parce qu’on leur a fait un lavage de cerveau complet. Pour elles école égale ennemi. Donc cette éducation mentale est non seulement au niveau des parents, mais aussi au niveau des jeunes filles elles-mêmes.

Parlez nous de l’association Savas dont vous êtes présidente ? 

Savas veut dire Soutien Aux Victimes d’Agressions Sexuelles. C’est une association à but non lucratif qui a vu le jour il y a un peu plus d’un an et dont l’objectif principal est de participer à la réhabilitation sociale des victimes de viol et d’autres agressions sexuelles à travers des actions telles l’encadrement et le suivi de leurs aptitudes morales, physiques et psychologiques, le regroupement des victimes autour des plates-formes de discussions et d’échanges et la création des espaces de sensibilisation autour des établissements scolaires et autres.

 

Pourquoi avez-vous écrit « Fleur brisée » ?

« Fleur Brisée » est mon premier roman que j’ai publié aux éditions l’Harmattan Paris en Juin 2013. C’est un roman autobiographique où je raconte ma propre histoire de viol. Comme j’aime bien le dire, « Fleur Brisée, c’est moi ». Comme avait dit un jour un penseur : « face à toute situation de la vie, il n’y a que trois choix à faire : s’enfuir, être spectateur ou s’engager ». Moi, au risque de me faire traiter d’exhibitionniste comme j’ai souvent entendu,  j’ai choisi de m’engager pour ne pas mourir. En aidant les autres victimes de viol et autres agressions sexuelles, je m’aide moi-même. Ainsi, à la suite de Fleur Brisée, j’ai fondé l’association SAVAS dont l’objectif est cité plus haut. Nous menons un grand nombre d’activités qui ont commencé pendant les vacances qui viennent de s’écouler à travers une vaste campagne de sensibilisation que nous avons mené dans un certain nombre de médias radio et télé. Il était principalement question de sensibiliser les enfants sur les comportements à risque pendant les vacances.

Subscribe to iCameroon.Com Newsletter